Je m’appelle Célia, j’ai 25 ans, je suis rédactrice web, passionnée par l’écriture, la cuisine, les voyages, les petits bonheurs simples et les grands projets. Mais je suis aussi une jeune femme lupique…
Ce mot, « lupique », peu de gens le connaissent. Il est souvent méconnu, ignoré, parfois même moqué. Pourtant, il désigne une réalité lourde, complexe, invisible : celle de vivre avec le Lupus érythémateux disséminé, une maladie auto-immune chronique qui attaque mon propre corps. Ce texte, je l’écris pour mettre des mots sur ce que je vis, ce que nous vivons, pour sensibiliser, informer, déconstruire les préjugés, mais aussi, et surtout, pour porter un message d’espoir en cette journée mondiale du Lupus.
Un été pas comme les autres
Juillet 2016. J’ai 17 ans. Je viens de terminer ma première. L’été s’annonce joyeux, rempli de sorties, d’amitiés, de rires, de promesses adolescentes. Je suis en couple depuis quelques mois, et j’ai cette insouciance douce qu’on a avant la tempête. Mais dès les premières expositions au soleil, je ressens quelque chose d’étrange : des coups de soleil anormaux, de la fièvre, une fatigue écrasante, et des douleurs articulaires qui semblent surgir de nulle part.
Je me dis que c’est passager. Que j’ai un peu trop tiré sur la corde, que ce sont les vacances, qu’il faut juste se reposer. Puis viennent les vacances en famille à l’étranger. Là-bas, à plus de 9 000 km de chez moi, les symptômes se multiplient. Je suis épuisée, je ressens une sensation de malaise constant, de flottement, de fébrilité. Mon corps me parle, mais je ne comprends pas encore sa langue.
Je rentre en France avec l’étrange impression d’avoir laissé une partie de moi ailleurs. Comme si un fil s’était rompu entre mon corps et mon esprit. Sans le savoir, le Lupus avait déjà commencé à prendre racine en moi…
La rentrée de la bascule
C’est à la rentrée de terminale, en septembre, que tout bascule. Moi qui étais une élève brillante, engagée, passionnée par la culture, les lettres et l’histoire, je deviens l’ombre de moi-même. Je n’arrive plus à me lever. Mon corps me trahit chaque matin. Mes jambes sont lourdes, mes mains me font mal, mon dos est en feu, et mon cerveau semble embrumé. Je n’arrive plus à suivre les cours, à me concentrer. J’ai froid, j’ai chaud, j’ai mal. Partout, tout le temps.
Un jour, après un cours d’éducation physique, je m’effondre littéralement. Ma professeure me rattrape de justesse et m’accompagne aux urgences. Ce jour-là, un interne me regarde dans les yeux et dit : « Pour moi, il n’y a pas de doute, c’est un Lupus ». Je ne comprends pas. Ce mot ne signifie rien pour moi. Il n’évoque aucune image, aucun traitement, aucune issue. Ce n’est ni un rhume, ni une grippe, ni une entorse. C’est autre chose. Inconnu. Effrayant.
La Salpêtrière : un nom illustre, une expérience glaciale
On me transfère à l’hôpital de la Salpêtrière, un grand nom, une référence. Mais là-bas, tout est clinique, froid, impersonnel. Les médecins parlent entre eux, jamais à moi. Les traitements s’accumulent, mais aucune explication ne m’est donnée. Je suis un dossier, un cas, un numéro. Je suis hospitalisée pendant près d’un mois, sans comprendre ce qui se passe, sans que personne ne prenne le temps de me dire : « Voici ce que vous avez, voici pourquoi, et voici ce que nous allons faire ensemble. »
Je suis mineure, terrifiée, perdue. Ma famille est inquiète, mes amis et mon copain aussi. Ma mère s’inscrit sur Carenity pour discuter avec des parents dont leurs enfants sont aussi touchés par cette maladie. Elle contacte également l’Association Lupus France pour recevoir de la documentation. Mais malgré cela, tout le monde reste dans le flou. Jusqu’au jour où, avec mes parents, nous demandons un transfert à l’hôpital Lariboisière. Et là, enfin, je respire…
L’espoir renaît à Lariboisière
À Lariboisière, je découvre un monde médical plus humain. Une équipe à l’écoute, des soignants bienveillants, une rhumatologue formidable qui me regarde comme une personne, pas comme un dossier. Elle m’explique, elle me rassure, elle prend le temps. Pour la première fois, je comprends ce qu’est le Lupus érythémateux disséminé : une maladie où mon système immunitaire, au lieu de me protéger, m’attaque.
Chez moi, ce sont surtout la peau et les articulations qui sont visés. La maladie fonctionne par poussées, avec des périodes de crise intenses et des accalmies trompeuses. Elle est chronique, incurable à ce jour, mais stabilisable avec des traitements et une hygiène de vie adaptée.
Je commence à prendre des corticoïdes, des anti-inflammatoires, des immunosuppresseurs. Je dois éviter le soleil, le stress, la fatigue. Chaque jour devient une question d’équilibre. Mais je ne suis plus seule. Et ça change tout.
Le chemin de la résilience
Malgré les hospitalisations, les douleurs, les nuits blanches, j’ai décidé de reprendre ma terminale. J’ai travaillé à distance, soutenue par mes proches, mes professeurs, et ma propre volonté de ne pas laisser la maladie définir qui je suis. J’ai eu mon bac avec mention, une victoire douce-amère mais pleine de sens.
J’ai ensuite poursuivi des études supérieures en espagnol, une langue, une culture, un pays qui me faisait rêver. J’ai fait des stages, participé à des expositions, créé des dossiers pédagogiques. J’ai appris à concilier passion et limitations, à faire avec mon corps sans renoncer à mon esprit. Ce fut dur. Il y a eu des jours sans. Des jours où je voulais tout abandonner. Mais je ne l’ai pas fait.
Aujourd’hui : une vie pleine, mais ajustée
Aujourd’hui, j’ai 25 ans. Je suis rédactrice web SEO, et je travaille sur des sujets qui me passionnent profondément : la musique et le mariage. Mon quotidien est un équilibre soigneusement ajusté entre mes passions et mes besoins personnels. J’ai trouvé un rythme qui me convient, où je peux prendre soin de moi tout en exerçant mon travail. La rédaction, qui m’épanouit, peut parfois être difficile à suivre à cause de la douleur qu’elle peut provoquer, surtout quand je force trop sur certains projets. Mais j’apprends à écouter mon corps, à m’arrêter quand il le faut, et à ne pas me laisser submerger par la pression.
Ma vie professionnelle est également facilitée par un cadre bienveillant. Je travaille en CDI, avec des aménagements adaptés à mes besoins, comme des jours de télétravail supplémentaires si nécessaire. Mes responsables sont à l’écoute et comprennent la nécessité de me laisser de la flexibilité, surtout compte tenu des nombreux rendez-vous médicaux auxquels je dois faire face régulièrement. Leur soutien fait une énorme différence et m’aide à naviguer dans la complexité de mes soins.
D’un point de vue personnel, je suis mariée à Monsieur, un homme merveilleux qui m’accompagne à chaque étape de ma vie. Nous avons emménagé ensemble, ce qui a été une grande étape pour nous. Mon mari est mon pilier, et sa présence rend tout plus facile à gérer. Ensemble, nous projetons de fonder une famille. Nous avons démarré les démarches pour avoir un enfant, ce qui implique une série de rendez-vous médicaux réguliers. Chaque prise de sang est l’occasion de vérifier que mon lupus reste stable, mes reins en bonne santé, et que mon traitement est bien ajusté. C’est un chemin semé d’embûches, mais nous avançons avec espoir et détermination.
Ma santé est un sujet central dans ma vie. Je suis suivie par plusieurs spécialistes, et je prends soin de moi au quotidien. Je suis suivie à la Salpêtrière, un choix de praticité depuis que nous avons déménagé. En plus de cela, je lutte contre l’alopécie, et je suis sous traitement pour éviter la chute de cheveux. Mon traitement pour le lupus a aussi des effets secondaires, comme une baisse de la vue due au Plaquenil, ce qui nécessite un suivi ophtalmologique annuel. Je suis devenue migraineuse récemment, et bien que cela soit un défi supplémentaire, j’ai trouvé un traitement spécifique qui m’aide à mieux gérer cette douleur.
Je prends soin de mon corps tout en poursuivant mes passions. Je fais un peu de sport à mon rythme, ce qui me permet de rester active sans me mettre en danger. Malgré tout cela, mes projets foisonnent. J’ai encore des rêves : des voyages, des articles à écrire, et peut-être un jour un livre. Je veux vivre pleinement, en étant consciente de mes limites, mais sans jamais me laisser définir par ma maladie. Je ne suis pas une survivante, je suis une vivante…
Le Lupus, c’est quoi exactement ?
Le Lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie auto-immune chronique. Cela signifie que le système immunitaire, censé nous protéger, se retourne contre l’organisme. Il peut toucher la peau, les articulations, les reins, le cœur, les poumons, le cerveau. Les symptômes sont très variables d’une personne à l’autre. On parle parfois de « maladie aux mille visages ».
Symptômes courants
- Fatigue intense
- Douleurs articulaires
- Fièvre
- Photosensibilité
- Eruptions cutanées (souvent en forme de papillon sur le visage)
- Pertes de cheveux
- Problèmes rénaux, pulmonaires ou neurologiques
Le Lupus touche majoritairement les femmes jeunes, entre 15 et 45 ans. On ne guérit pas du Lupus, mais des traitements permettent de contrôler les poussées et de mener une vie relativement normale.
Le 10 mai : une journée pour briser le silence
Le 10 mai, c’est la Journée mondiale du Lupus. Une journée pour rappeler que cette maladie existe, qu’elle touche des millions de personnes dans le monde. Une journée pour informer, pour sensibiliser, pour soutenir la recherche, pour créer du lien. Une journée pour dire : « Nous sommes là, nous existons, et nous voulons être entendus. »
Mon message aux autres lupiques
Si tu viens de découvrir que tu as le Lupus, je veux te dire que tu n’es pas seul(e). Il y aura des jours sombres, oui. Mais aussi des jours lumineux. Tu vas apprendre à te connaître, à te respecter, à t’aimer autrement. Tu vas devenir plus fort(e), plus patient(e), plus résilient(e). Tu vas rencontrer des gens formidables, comprendre l’essentiel, savourer les petites victoires.
Le Lupus ne te définit pas. Il fait partie de toi, mais il ne te résume pas. Tu es un monde en toi-même.
Et moi ? Je suis Célia. J’ai 25 ans. J’ai le Lupus. Mais je suis aussi créative, souriante, amoureuse, ambitieuse, curieuse, passionnée. Et ça, aucune maladie ne pourra me l’enlever…