Il y a des recettes qui nourrissent bien plus que l’estomac. Elles nourrissent l’âme, elles racontent une histoire, elles transmettent des valeurs. Les hallot de Chabbat font partie de ces pains uniques, pétris de tradition, de spiritualité et… de beaucoup d’amour. Aujourd’hui, je vous partage ma recette familiale de hallot pour 2 kg de farine, mais aussi un petit voyage dans leur histoire et leur signification. Installez-vous confortablement, ça sent déjà bon la boulangerie dans la cuisine !
Vendredi après-midi. Le soleil commence à décliner, la table se dresse doucement, et dans la cuisine, les gestes se répètent comme un héritage vivant. On tamise la farine, on verse l’eau, on pétrit, on tresse, et la maison s’embaume. Bientôt, deux pains dorés et moelleux viendront orner la table de Chabbat : les hallot.
Ces pains ne sont pas de simples pains. Ils portent en eux l’histoire du peuple juif, les bénédictions des générations, la douceur de la tradition et la chaleur d’un foyer.
🌾Qu’est-ce que la halla ?
La halla est un pain tressé, légèrement sucré et enrichi (œufs, huile), préparé chaque vendredi et pour certaines fêtes juives. Son goût moelleux et sa forme dorée sont reconnaissables entre mille. Mais derrière cette apparence simple se cachent des siècles de tradition et une symbolique profonde.
Traditionnellement, deux hallot sont posées sur la table du Chabbat. Elles rappellent la double portion de manne tombée du ciel chaque vendredi dans le désert, permettant au peuple d’Israël de se consacrer pleinement au jour du repos, sans travail ni cueillette.
Recouvertes d’un linge blanc, elles deviennent un signe de dignité et de pureté, symbolisant que ce pain n’est pas seulement alimentaire, mais sacré.
📖Un peu d’histoire
Dans la Bible, il est ordonné de prélever une partie de la pâte (Hafrashat Halla) et de l’offrir aux prêtres (cohanim). Ce geste sacré liait le peuple à son Temple et aux serviteurs de D.ieu.
Aujourd’hui, même sans Temple, nous perpétuons cette mitsva en prélevant un morceau de pâte que l’on brûle, accompagné d’une bénédiction. C’est un rappel : tout ce que nous avons, même la nourriture la plus simple, provient d’en-Haut.
🕯️Plus qu’une recette : une prière en action
Les hallot ne sont pas seulement faites d’eau, de farine et de levure. Elles sont tissées d’intentions et de prières. Les sages enseignent qu’à chaque étape de la préparation, on peut méditer, élever ses pensées et donner un sens plus profond au geste.
✨ Les intentions des ingrédients
- En tamisant la farine :
« Hachem, tamise mes pensées, retire ce qui est impur et laisse seulement le meilleur, le plus fin, le plus noble. »
→ La farine, c’est la matière brute de notre vie. Tamisée, elle devient pure et légère.
- En ajoutant le sel :
Le sel conserve. Ainsi, on prie pour que la Torah soit notre conservateur, nous protège et garde nos valeurs intactes.
- En ajoutant le sucre :
Que la Torah et la vie soient douces, toujours agréables à notre palais comme le sucre dans la pâte.
- En mettant la levure :
« Enlève de moi toute forme d’orgueil, mais permets à ma foi de gonfler et grandir en force. »
La levure symbolise la croissance spirituelle.
- En versant l’eau :
L’eau, source de vie, est symbole de la Torah qui unit, apaise et nourrit.
- En versant l’huile :
L’huile d’onction, symbole de joie et de royauté : « Hachem, emplis ma vie de la joie de Te servir. »
- En attendant que la pâte lève :
Patience et foi. La pâte gonfle lentement, comme nos efforts qui finissent par porter leurs fruits si nous savons attendre avec confiance.
Ainsi, chaque ingrédient devient un mot de prière. Chaque geste devient une bénédiction silencieuse.
🌀La symbolique des tresses
La halla est rarement laissée en simple boule. On la tresse, et ce n’est pas un hasard. Chaque tresse est un message, un symbole, une élévation.
- La tresse à 3 brins : rattache la famille à Avraham, Its’hak et Yaakov, les trois patriarches. C’est une prière pour suivre leurs pas, perpétuer leurs idéaux et garder la foi.
- La tresse à 4 brins : rattache aux quatre matriarches – Sarah, Rivka, Rachel et Léa. On invoque leur mérite pour transmettre à nos filles et nos sœurs leurs valeurs et leur courage.
- La tresse à 6 brins : quand deux hallot tressées à 6 brins sont posées sur la table, elles rappellent les 12 pains de proposition (Lé’hem Hapanim) déposés chaque semaine dans le Temple. Force, sainteté et plénitude s’unissent dans ce pain.
Le façonnage n’est donc jamais purement esthétique : il est une prière visuelle, une Torah en pâte.
📏La Hafrashat Halla : quand prélever la pâte ?
La mitsva de Hafrashat Halla consiste à prélever une petite portion de pâte en souvenir de l’offrande faite au Temple. Elle s’accompagne parfois d’une bénédiction, selon la quantité de farine utilisée.
- Chez les Séfarades :
- Moins de 1 kg : pas de prélèvement.
- Entre 1 et 1,670 kg : prélèvement sans bénédiction.
- Plus de 1,670 kg : prélèvement avec bénédiction.
- Chez les Ashkénazes (opinion du Hazon Ich) :
- Plus de 1,200 kg : prélèvement sans bénédiction.
- Plus de 2,250 kg : prélèvement avec bénédiction.
Cette mitsva relie chaque cuisinière à une chaîne millénaire de femmes qui, avant elle, ont pétri en récitant ces mêmes prières.
🥖 Ma recette familiale de hallot pour 2 kg de farine
Le levain
- Mélanger 2 sachets de levure sèche, 400 g d’eau tiède, 2 c. à s. de sucre.
- Laisser reposer 15 minutes.
La pâte
- Verser 2 kg de farine dans un grand saladier et creuser un puits.
- 2Ajouter dans le puits : 7 c. à s. de sucre (dans un coin), 2 verres d’huile, 2 œufs, le levain
- Disposer 4 c. à s. de sel autour de la farine (sans contact direct avec le levain).
- Mélanger et ajouter 600 g d’eau tiède progressivement.
- Pétrir jusqu’à obtenir une pâte souple et non collante. Si besoin, rajouter un peu de farine.
- Couvrir et laisser lever 1 heure.
- Dégazer la pâte.
- Tresser (3, 4 ou 6 brins selon l’intention choisie).
- Enfourner à 180°C, environ 25-30 minutes selon la taille.
👉Astuce : badigeonnez vos hallot d’un mélange œuf + sucre avant d’enfourner pour une croûte brillante et dorée.
🌟Le petit plus gourmand et spirituel
- Ajoutez des graines de sésame ou de pavot pour une touche croustillante.
- Variez les formes : ronde pour Roch Hachana (symbole du cycle de l’année), tressée pour Chabbat.
- Faites de la préparation un moment familial : pétrir ensemble, c’est déjà partager la mitsva.
Finalement…
La halla n’est pas seulement un pain. Elle est un livre ouvert : chaque ingrédient est un mot, chaque geste une phrase, chaque tresse un chapitre.
En la préparant, on nourrit le corps, mais aussi la foi et l’âme. En la déposant sur la table, on rappelle que Chabbat est un temps hors du temps, un moment de douceur, de partage et de bénédiction.
Alors, la prochaine fois que vous pétrirez la pâte, souvenez-vous : vous n’êtes pas seulement en train de cuisiner, vous êtes en train de prier avec vos mains.



